Tout commence par un hurlement d’enfants, la nuit, qui se propage de ville en ville, survole les mers et se répand sur le monde au rythme de la rotation terrestre. C’est un cauchemar qui épouvante tous les enfants de la Terre.
Un sentiment de fin du monde traverse le roman : des villes devenues folles, des catastrophes rappelant les dix plaies d’Égypte.
– Les enfants, endormis, courent s’immerger dans l’eau des fleuves (rite de purification ?)
– des grenouilles qui nous disent que « nous allons crever dans un monde sans arbres, sur la terre pelée »
– une invasion de moustiques (peut-on supprimer totalement une espèce, si meurtrière soit-elle ?)
– les mères qui ne supportent plus l’odeur de leurs enfants
– les enfants qui ne peuvent plus boire le lait ; les vaches meurent dans les exploitations robotisées
– des nuages de criquets…
– les ténèbres s’abattent sur les villes…
Fable écologique : l’idée que la Terre est à l’agonie, que le monde n’en a plus pour longtemps. L’accord entre l’homme, l’animal et la nature est brisé ; le temps est révolu, perdu, détruit. Le monde s’enfonce dans les Ténèbres.
« Les rêves des enfants portent les messages des esprits de la Nature. » Le rêve porte une voix universelle et prophétique. Car un cordon lie les enfants à la Terre, les sensations affluent pendant leur sommeil.
Face à l’inconscience d’un monde qui détruit la nature et l’environnement, face à l’inconscience générale, trois êtres : une femme qui vient de se réfugier avec sa petite fille, Lucie, dans une campagne isolée, sans aucun contact avec le monde. Et un homme reclus, géant, taciturne, qui leur porte les nouvelles de ces bouleversements cataclysmiques.
Lucie serait-elle responsable de ces rêves des enfants ? Aurait-elle quelque chose à voir avec ces catastrophes ?
Carole Martinez déploie encore une fois une imagination débordante, elle nous plonge dans un univers onirique avec cette formidable dystopie. Et elle nous fait aussi pénétrer, de façon scientifique, avec des précisions neurologiques dans le monde mystérieux du rêve. On y croit (presque).
Il faut ajouter des allusions directes au réel :
*L’agonie d’une rivière brésilienne
*Les guerres : Ukraine, Israël, bombardements de Taïwan
*La recherche de boucs émissaires (dans le roman, une chasse à l’enfant responsable de ces rêves…)
Et une histoire d’amour !
Pour le Comité de suivi du Festival du Premier Roman,
Françoise Gallot